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Claudio Hummes, l’ami brésilien du pape argentin

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Le cardinal brésilien Claudio Hummes, le 4 mars au Vatican. Max Rossi/Reuters

"L’Eglise ne fonctionne plus." Elle "a besoin d’une réforme de toutes ses structures", et pas seulement de la curie romaine. Le diagnostic est sans appel. Ces propos du cardinal brésilien Claudio Hummes, 78 ans, ont été confiés au quotidien Folha de São Paulo, juste après l’élection de son ami, le pape François.

La présence du cardinal à côté du nouveau pape, lors de sa première présentation sur le balcon de Saint-Pierre, a surpris, car elle était contraire au protocole. Le jésuite argentin Jorge Mario Bergoglio et le franciscain brésilien Claudio Hummes avaient travaillé la main dans la main à la Conférence des évêques d’Amérique latine (Celam).

Archevêque émérite de São Paulo, Claudio Hummes reste très présent chez les fidèles de la grande métropole d’Amérique du Sud, sans doute plus que son successeur Odilo Scherer, considéré un des favoris du conclave. Du temps où Mgr Hummes était à la tête du diocèse, le père Julio Lancellotti avait créé la Pastorale du "peuple de la rue", c’est-à-dire des sans-abri. Ils se réunissaient devant la cathédrale, en souvenir de sept d’entre eux assassinés en 2004. Lorsque le père Lancellotti lui a présenté ses ouailles, Dom Claudio avait pleuré d’émotion. Le curé radical et l’archevêque sont devenus amis.

Le défi des évangéliques

Contrairement à Julio Lancellotti, qui porte un jean délavé et une chemise sans âge, le père Marcelo Rossi ne délaisse jamais la soutane. Il incarne le "renouveau charismatique", ce courant catholique qui a décidé de battre les évangéliques avec leurs propres armes. Les chansons du padre Marcelo sont au hit-parade. Son film Maria, Mère du Fils de Dieu (2003), coproduit et distribué par la Columbia, exalte la Vierge Marie, une des principales différences entre l'Eglise romaine et les protestants. Fin 2012, le père Rossi a inauguré un sanctuaire pouvant accueillir 100 000 fidèles, rivalisant ainsi avec le gigantisme des temples évangéliques.

Pour Claudio Hummes, les charismatiques ne sont pas des ringards, comme le suggère la presse bien pensante, mais des "postmodernes" : "La modernité a accentué l’intellectualisme, la rationalité. On croyait qu’il suffisait d’enseigner la doctrine. La postmodernité est une réaction contre ce rationalisme exagéré. La récupération du corps et du sentiment, du cœur et de la gestuelle, le culte à la musique populaire, aux festivités ou à l’émotion, constituent une réaction contre le rationalisme exagéré, froid". L’archevêque parvenait ainsi à intégrer à la fois les curés radicaux et les prédicateurs populistes.

Le père Claudio avait été nommé évêque de Santo André, dans la périphérie industrielle de Sao Paulo, en 1975, lorsque les militaires étaient encore au pouvoir. Il n’hésita point à ouvrir les portes des paroisses aux syndicalistes en butte à la répression. Les grèves de l’époque allaient donner naissance au Parti des travailleurs (PT) et à la Centrale unique des travailleurs (CUT). L’archevêque n’a pas oublié l’évêque de banlieue, puisqu’il a créé des centres d’assistance au travailleur, destinés à leur procurer emploi et qualification : "Nous ne sommes pas uniquement des intermédiaires dans la création d’emplois. Nous suivons les personnes pour les aider à régler leurs problèmes".

Ayant connu Luiz Inacio Lula da Silva comme simple ouvrier ajusteur, lorsque le dirigeant syndical des métallurgistes est devenu président de la République, Dom Claudio pouvait se permettre de déclarer : "Lula est un homme vraiment soucieux, mais ce serait bien s’il montrait davantage d’audace". Et d'ajouter : "La réforme agraire est en deçà des attentes. Nous avons besoin de changements structurels plus courageux."

L'option pour les pauvres des franciscains

Claudio Hummes ne pouvait pas rejeter "l’option préférentielle pour les pauvres" prônée par la théologie de la libération, ce courant radical né en Amérique latine. Saint-François d’Assise n’avait-il pas déjà fait le même choix ? "Le libre marché finit par favoriser les forts et par nuire aux faibles, a-t-il soutenu. Toutefois, la société est plus complexe que la lutte entre patrons et ouvriers ou entre oppresseurs et opprimés."

Originaire de l’Etat du Rio Grande do Sul, tout comme le Mouvement des paysans sans terre (MST), Claudio Hummes n’a sûrement pas découvert la question agraire lorsqu’il a été nommé archevêque de Fortaleza (1996), une des capitales du Nordeste déshérité. Fils d’immigrés allemands devenus petits propriétaires agricoles, Pedro Adão Hummes et Maria Frank Hummes, il acquît très tôt un solide attachement à la terre et à ses valeurs. Toutefois, si la Pastorale de la terre oppose la grande exploitation et les petits paysans, Dom Claudio maintient une position plus nuancée. Certes, "l’agrobusiness empiète parfois sur la justice sociale", dans le cas de la démarcation des terres indigènes, mais il ne saurait être considéré comme un ennemi.

Le penchant vers la conciliation dont Mgr Hummes fait preuve en matière économique et sociale, disparaît dès qu’il touche aux normes morales. Il a désavoué publiquement un prêtre de Sao Paulo qui s’était risqué à distribuer des préservatifs et à en faire l'éloge. En 2003, il avait d’ailleurs pris la parole au nom du Vatican à l’assemblée générale des Nations unies consacrée à la prévention du sida.

Un connaisseur du Vatican

Mgr Hummes connaît Rome comme sa poche, puisqu’il y a résidé pendant trois ans, pour préparer à l’université Antonorium sa thèse de doctorat en philosophie (Rénovation des preuves traditionnelles de l’existence de Dieu par Maurice Blondel dans l’Action, 1962). Les arcanes du Vatican lui sont également familiers, car il a siégé dans une dizaine de congrégations ou de conseils de la curie romaine.

Né le 8 août 1934 à Montenegro, une typique "colonie" germanique du sud du Brésil, le petit Claudio a appris à parler le portugais uniquement à l’âge de six ans, au moment de sa scolarisation. Ordonné prêtre le 3 août 1958, à Divinopolis (Etat de Minas Gerais), il a été fait cardinal le 21 février 2001. Outre l’allemand, sa langue maternelle, et le portugais, idiome de sa patrie, il maîtrise l’italien, le français, l’anglais et l’espagnol, qu’il a largement utilisé en tant que président du conseil franciscain d’Amérique latine.

Padre Claudio a étudié à l’Institut œcuménique de Bossey, à Genève, en 1968. Ensuite, il a enseigné la philosophie à Garibaldi et à Viamão, deux localités de son Rio Grande do Sul natal, avant de le faire à l’université catholique de Porto Alegre, dont le campus allait accueillir plus tard les premières éditions du Forum social mondial. A Fortaleza et à São Paulo, il a succédé à deux personnalités de premier plan de l’Eglise brésilienne, Aloisio Lorscheider et Paulo Evaristo Arns, d’ascendance allemande comme lui, assez charismatiques.

Avant le conclave de 2005, le cardinal Claudio Hummes avait tenu des propos prophétiques pour le pape François : "Tout pape est différent du précédent. Chacun remplit une mission à un moment historique précis. Le nouveau pape sera différent. Le monde exige déjà une différenciation. L’humanité chemine, le monde tourne. L’Eglise ne peut pas donner des vieilles réponses aux nouvelles questions."


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